Voilà, j’ai fini par le faire. M’arrêter, parce que c’était trop, parce que mon corps m’a clairement dit que là, stop, il fallait lever le pied, parce qu’il y a le stress qui me ronge petit à petit, et les événements des actualités ne font qu’empirer tout cela.
Parce qu’il y a les écrits du concours, auxquels l’avalanche de péripéties de cette année n’a laissé que très peu de place dans ma tête, alors qu’ils devraient être au centre, parce que zut, c’est l’avenir. Parce que j’ai décidé que je n’avais vraiment pas besoin en ce moment de m’encombrer de cette ambiance toxique qui règne à l’école. On a essayé de me faire culpabiliser, la preuve s’il en est que je fais bien de prendre un peu de recul.
Alors tout n’est pas rose, chaque fois je veux croire que ça va mieux, mais je sens que ce sera vraiment le cas quand je refermerai la porte sur cette année pourrie. Mais heureusement, il y a le reste, quand même. J’ai sans doute franchi le pas du monde des adultes, celui où il ne faut plus espérer que tout redeviendra parfait, car non, il y aura toujours des couches de problèmes, mais le bonheur se niche quand même dans les interstices entre ces couches.

Et se nichent aussi les petits bonheurs, qui sont partout.
Les premiers rayons de soleil à l’école, en profiter pour faire des photos avec eux. Le bonheur de ces choses si simples, les voir rire et s’amuser quand je leur demande de sauter à cloche-pied pour la photo. Un petit bout de bonheur et d’innocence, où j’oublie quelques instants à quel point je galère pour leur faire comprendre ce que j’attends d’eux, où j’oublie qu’on est complètement à la bourre dans le programme
Avoir longtemps pensé au fait que ce serait si agréable d’être attendue à la sortie de l’école et puis sourire lorsque ce jour arrive finalement.

La première terrasse de l’année dans ce café devant lequel je passe les lundis, alors plus pressée et préoccupée par le fait qu’aucun élève ne se mette à traverser sur le passage piéton sans que je n’aie donné le signal
Mettre des colliers à fleurs pour une soirée tropicale, chanter très fort (sans même que les voisins ne ralent), ne pas en croire mes yeux en voyant le mélange de tous ces gens qui comptent. Les regarder, héberluée, quand ils rient ensemble, tant c’est trop incroyable pour être vrai.

Improviser et presque réussir un porté Dirty Dancing, manger des chips à 6h du matin
Le plaisir des debriefs de soirées, écouter les uns et les autres raconter les anecdotes et échanger leurs impressions
Une soirée raclette improvisée avec Coloc et F pendant que je remplis les bulletins en tachant de ne pas renverser du vin dessus, avant de se mettre à danser sur Beyoncé

Un week end improvisé à un festival de cinéma chez lui, rencontrer des tas de gens, sentir l’air de la campagne et voir des films qui coupent le souffle
La première fois en pull dehors, dimanche matin, le soleil qui réchauffe et la tasse de café dans le jardin en écoutant le temps qui s’écoule doucement
Coloc qui rentre avec une bouteille pour mon anniversaire, et passer la soirée avec nos verres à discuter
Les petits dej’ oeufs brouillés / tartines de rillettes ramenées de chez lui / fromage avec ses colocs, se sentir bien dans cet appart

Monter sur le toit avec M et T, regarder tout Paris qui nous entoure et sentir une main à laquelle se raccrocher pour ne pas tomber
Lire le matin tandis qu’il dort les bras autour de moi
Retrouver les copines pour un thé, piailler comme des folles quand l’ouverture des cadeaux a lieu

Etre éblouie par le soleil le matin en descendant la rue vers le métro
Raconter les dernières anecdotes à mes amis, qui ne me faisaient pas trop rire sur le coup, mais finalement qui me font penser que je n’ai pas le temps de m’ennuyer depuis ces derniers mois (non ce n’est pas banal, quand même, quand tu es tranquillement chez ton copain et qu’un voisin défonce la porte pour débarquer dans la chambre parce qu’il y a une fuite d’eau chez lui…)
Lui piquer des livres

Passer la soirée à chanter du Balavoine à tue-tête avec Coloc, en se rappelant nos années d’étudiants il y a maintenant 8 ans quand on faisait déjà la même chose
Ecouter Here comes the sun, dans le lit, avec le soleil qui entre par la fenêtre. Ma chanson rituelle de l’arrivée du printemps, chaque année
Faire une sortie photo, râler parce que rien ne se déroule comme prévu, parce que je ne suis pas dedans, parce que c’est dur de diriger des amis en les faisant poser, et puis finalement, être contente du résultat en regardant les photos le soir. J’arrive de plus en plus à atteindre ce que je cherche, dans l’émotion que je veux dégager dans mes photos, et c’est réjouissant. Oh, il me reste encore bien des choses à apprendre. Mais je sais que chaque fois, je suis un peu plus en phase avec ce que je veux faire passer.
Une soirée shooting photos pour les CVs avec les copines, en profiter pour papoter après autour d’une salade. Se sentir entourée de personnes bienveillantes, c’est si rassurant quand il y en a d’autres dans votre vie qui ne le sont pas…
Réviser au soleil la fenêtre ouverte, avec de litres de thé

Réviser au Louvre parce que la bibliothèque était bondée, dehors, savourer le soleil, inaugurer mon nouveau thermos reçu à mon anniversaire et pratiquer mon espagnol pour aider des touristes à trouver leur chemin
Un dimanche, comme un autre, à la question « qu’est-ce qu’on mange ce midi ? », Coloc qui me dit « et si on sortait manger en terrasse ? », et le bonheur des premiers beaux jours, c’est toujours que ça semble si miraculeux quand tu le fais après des mois d’hiver, se balader en t shirt, manger des nouilles chinoises assis sur un pas de porte, aller voir une expo photo et se balader dans le Marais
Au bout d’un mois sans les voir, reprendre du plaisir à préparer la classe, rêver d’eux et me rendre compte que ça y est, j’ai enfin envie de les revoir.
Finir ma dernière tasse de rooibos noix de coco ramené du Canada et la larmichette qui apparait. Ce thé, c’est A. qui était allée le chercher en revenant d’un entretien d’embauche le jour où je me suis séparée du barbu. Chaque tasse, dans les mois qui ont suivi, m’a rappelé que c’est dans les choses les plus infimes du quotidien qu’on peut puiser sa force et qu’on peut avancer, quoiqu’il arrive, tant qu’on est bien entouré.

Passion photos floues